Faites de beaux rêves

Faites de beaux rêves

PHOTO:

(À droite) Lit Bora en chêne naturel avec coussins Lopi de teinte claire.

(En bas) Lit Bel en noyer et cuir noir.

Tout commence au lit. Le jour, la nuit, la semaine, le week-end, le samedi et le dimanche. Tout s’achève aussi dans un lit. Le jour, la nuit, la semaine… Peu importe ce qui s’est passé dans la journée, les aventures ou les imprévus : tous les jours de nos vies ont un dénominateur commun : cette pièce de mobilier si horizontale, si discrète à laquelle nous réservons une chambre complète dans la maison.

Le lit, mon lit, notre lit. Le lit autorise la solitude ou la compagnie, la fatigue, le bonheur, la paresse et même le petit-déjeuner. Le petit-déjeuner au lit. Oui. Tout le temps. Il y a les lits provisoires qui nous accompagnent dans les premières années de vie, les lits de camps et d’auberges de jeunesse, les lits dans les motels ou hôtels de luxe ; les avions de vols transocéaniques qui sont un substitut de lit ou encore les voitures qui servent de couchette improvisée en cas d’orage, d’imprévu ou autre. Mais on revient toujours, toujours au lit que l’on a choisi, au lit principal, au lit de la maison. Au vrai lit.

On peut changer les matelas ou les oreillers. On peut changer les draps en hiver ou en été. On peut choisir le côté froid ou le côté chaud ; on peut dormir sur le dos ou sur le côté, les rideaux fermés ou ouverts. Mais le lit demeure à sa place. La maison est le lieu où l’on range ses livres. La maison est aussi le lieu où votre lit habite. On lit beaucoup au lit pour ensuite rêver ce que l’on a lu. On peut aussi rêver sans ouvrir un livre car le lit ne fait pas de différence.

Groucho Marx écrivit un livre entier – un livre très fin, mais un livre tout de même – consacré aux lits. Naturellement, il l’intitula Beds [Plumards, de cheval] et le remplit de citations mémorables : « Il y a ce qu’on peut faire dans un lit et le reste. Le reste ne vaut pas cher. », « J’ai passé les seize années les plus heureuses de ma vie au lit », « au lit, nous sommes tous égaux »… Dormez bien, faites le bon choix de lit.

Entre nous

Entre nous

PHOTO:

(À droite) Iñigo Etxebeste de Treku,
Francis Gainzarain de Marina diseño et Kiyomi Higuchi
de Design Within Reach.

Le monde change chaque seconde. En revanche, le design, le bon design, demeure à jamais. Les designers et les entreprises ne sont pas les seuls impliqués dans cette équation, mais aussi les distributeurs, ce fil mince et pourtant nécessaire qui relie le grand public aux pièces de mobilier. Dès ses débuts, Treku a misé sur la figure du distributeur pour son rôle d’ambassadeur de la marque et sa capacité à apporter de la valeur ajoutée aux produits de la société. Francis Gainzarain, propriétaire et directeur du magasin Marina Diseño à Bilbao a conscience du processus continu de changement dans lequel nous sommes plongés. Non seulement il a connu l’évolution de la ville elle-même – son commerce est situé à tout juste cinq minutes à pied du Musée Guggenheim Bilbao –, mais aussi celle du secteur du meuble design : il a ouvert son magasin en 1979 et, depuis, le plus grand changement vient des clients selon lui.

« Aujourd’hui, ils sont bien plus exigeants et d’une manière générale plus informés ». Cela se traduit par un autre devoir pour le distributeur : plus de travail, plus de flair et plus d’honnêteté pour faire face à une offre de meuble vaste et mondialisée afin que la sélection adressée au client frôle la perfection. Kiyomi Higuchi est la responsable des achats chez Design Within Reach, une société américaine de meubles design qui compte plus d’une trentaine de magasins répartis dans les principales villes du pays. DWR est depuis 15 ans le distributeur de Treku aux États-Unis, un pilier quand il s’agit de traduire la philosophie de la marque de Zarautz dans un pays qui est bien différent, au moins en apparence, des autres pays européens.

PHOTO:

(En haut) Kiyomi Higuchi, Jean-Louis Iratzoki et Ander Lizaso choisissent les couleurs de la collection Kai pour les magasins de DWR.

(À droite) Quelques magasins DWR qui proposent le meilleur design.

Mais aux États-Unis il existe également un créneau prometteur autour du meuble de qualité, grâce en partie au rôle joué par Design Within Reach dans la diffusion des vertus du bon design. Kiyomi doute que l’océan Atlantique constitue une frontière culturelle : la « simplicité raffinée » de l’esthétique Treku est capable de séduire une clientèle avide de meubles de qualité, quel que soit son pays d’origine.
Cette réflexion est très familière à Iñigo Etxebeste, directeur commercial de Treku. « La différence de goûts qui existe aujourd’hui entre la France et la Corée du Sud est moins importante que celle d’il y a vingt ans entre les villes espagnoles de Galice et Valence ». Ce n’est pas un hasard si la marque vend ses pièces dans plus de cinquante pays répartis dans le monde entier et si elle a séduit non seulement un public, mais aussi la sensibilité des distributeurs avertis. Le monde a changé, il est devenu global, sa taille a diminué, mais, en même temps, les frontières qui séparaient le goût du bon meuble design sont plus ténues.

Conversations à table après le repas

Conversations à table
après le repas

PHOTO:

(À droite) Ibon Arrizabalaga et Silvia Ceñal assis à une table en bois de notre collection Aise.

Lundi matin, une aube glaciale se lève en ce premier jour de l’automne. Nous sommes assis autour d’une table chez Treku, dans un cadre purement rural situé à trois kilomètres à peine du golfe de Gascogne. La table est un modèle de la collection Aise de Treku, à pieds métalliques. La rencontre est paradoxale car à l’une des extrémités de la table Aise se trouve Ibon Arrizabalaga, le designer qui l’a conçue et rendue possible. À l’autre extrémité, Silvia Ceñal, designer aussi qui a créé une autre table pour la firme de Zarautz : la Basoa. Évidemment, nous allons parler avec eux de tables, de ces pièces de mobilier qui voient le jour après avoir assemblé un panneau et plusieurs pieds. Si simples, si complexes. Le philosophe Gustavo Bueno affirma que les tables sont « le sol des mains », un espace créé afin que nos membres puissent s’exprimer ou, simplement, se reposer. Les tables sont la toile sur laquelle se déroule la vie créative, la vie de tous les jours, la routine de la plupart d’entre nous. Les tables sont par ailleurs un objet de design tellement simple que même un enfant serait capable d’en créer. Et pourtant, tous les ans de nouveaux designs apparaissent avec de nouvelles nuances. La Basoa de Silvia a été créée dans un élan – « vous prenez un papier, un crayon, vous commencez par un trait, puis un autre… » – sans pression, sans intention de combler un vide sur le marché, sans but précis. Créer pour le simple plaisir de créer. Ensuite, elle a produit un prototype pour son exposition et celui-ci a fini par séduire Treku, qui l’a ajouté à sa nouvelle collection.

PHOTO:

(Top) Détail de la table Aise avec
comptoir en chêne massif

(À droite) Table en bois appartenant
à notre collection Aise

Silvia a mis au point la table Basoa – « forêt » en basque – inspirée des vastes forêts de pins qui couvrent les étendues de sable des Landes, dans le sud de la France. « J’aime travailler sur des meubles qui possèdent des détails. Dans le cas de Basoa, ce seraient les traverses et la manière qu’elles ont de s’assembler entre elles. » La table Aise est née d’une façon diamétralement opposée car Ibon Arrizabalaga, designer chez Treku, connaît les processus de fabrication de la firme et sait dans quelle direction il doit créer.
Au départ, Aise a été conçue comme table de bureau avec la touche Treku : légèreté visuelle et contemporanéité, le tout sur des pieds métalliques qui assuraient sa stabilité. C’était une commande, une création fondée sur des exigences très précises. Or, la table a plu, et beaucoup. Même hors de son territoire naturel – un bureau – et, dès lors, elle a été demandée comme table pour la maison. « Nous l’avons fait évoluer vers des modèles plus chaleureux et conviviaux en remplaçant le métal par du bois massif ». Basoa, née libre, et Aise, cette commande qui a changé de cap, se côtoient dans la nouvelle collection de Treku. Loin d’être quelconques, ces deux tables si simples et pourtant si complexes sont le futur sol de milliers de mains.

Une histoire de bateaux et de meubles

Une histoire de
bateaux et de meubles

PHOTO:

(À droite) La taille en têtard était la technique sylvicole qui modifiait la croissance des arbres pour tirer le meilleur parti du bois dans l’industrie navale.

À Zarautz, un petit port de pêche situé au Pays Basque, un habitant du nom de Jesús Aldabaldetreku ouvrit sa menuiserie en 1947. Âgé de 36 ans, il travaillait dans le secteur depuis son enfance. Jesús était un maillon de plus dans la tradition du travail du bois qui se perpétuait depuis plus de cinq cent ans dans ce coin de la province du Guipúzcoa. Pendant que dans la plupart des villages côtiers basques du XVIe siècle on partait pêcher en mer, à Zarautz on se spécialisa dans la construction de petits bateaux de pêche et traînières, des chaloupes rapides, essentielles pour la chasse à la baleine. La ville acquit une réputation mondiale pour ce travail d’artisans.
Les profondes transformations économiques survenues en Europe au milieu du XIXe siècle entraînèrent le déclin des chantiers navals de bateaux en bois traditionnels.

La crise pointait à l’horizon. Une porte restée ouverte pendant des siècles commençait à se fermer, mais plusieurs fenêtres s’ouvraient simultanément. L’une d’elles concerna le tourisme : parallèlement à la révolution industrielle, le tourisme de mer et de plage se popularisa dans une partie du golfe de Gascogne. Zarautz, avec une étendue de sable de plus de deux kilomètres, fut un des lieux choisis par la famille royale et la bourgeoisie de l’époque pour accueillir les fameux bains de vague. Ces chantiers navals, où l’on construisit des bateaux durant des siècles, se lancèrent dans la fabrication de meubles de luxe. Près de 70 ans après sa fondation, Muebles Treku reste l’entreprise des descendants directs de Jesús Aldabaldetreku. Certes, les temps ont changé, les designs aussi, mais la ténacité et la tradition artisanale perdurent.

Comment Aldabaldetreku devint Treku

Comment Aldabaldetreku
devint Treku

PHOTO:

Xabier et Gorka Aldabaldetreku, petits-fils du fondateur de Muebles Treku et directeurs actuels.

Quand le jour se lève à Zarautz, les rayons du soleil mettent quelques minutes de plus à caresser le quartier d’Olaa. C’est le temps nécessaire à la lumière du jour pour se frayer un passage à travers les collines au cœur desquelles se niche cette campagne, située à deux kilomètres à peine d’une des plages les plus connues du Pays Basque. Olaa ne ressemble pas au Zarautz touristique. Il est tapissé de prairies vertes où le bétail pâture encore et est habité par une douzaine de fermes à peine – la ferme traditionnelle d’Euskadi – adroitement dispersées. Un petit ruisseau d’eau fraîche, l’Olaa, celui-là même qui donne son nom au lieu, structure et sillonne le quartier en se laissant longer par la route.

PHOTO:

(En haut) Photo du Flysch de Zumaia, qui dévoile plus de 60 millions d’années de l’histoire de la Terre.

C’est là que sont construits les locaux de Muebles Treku, le bâtiment qui se réveille tous les jours à la même heure, à six heures du matin, quand un ouvrier allume la chaudière, alimentée du bois écarté de la fabrication des meubles, et met en marche toutes les machines. Une heure plus tard, quand les autres ouvriers arrivent, le circuit de production est déjà chaud et l’activité peut alors démarrer.

Cela n’a pas toujours été le cas car Treku n’est pas née là. L’entreprise fut créée dans un modeste faubourg industriel à deux pas du centre historique de Zarautz en 1947 par Jesús Aldabaldetreku, l’aitona (le « grand-père » en basque) des gérants actuels. Sa vocation était de fabriquer des meubles de salle de bain pour les habitants de Zarautz, mais bientôt ces derniers sollicitèrent ses services un peu partout au Pays Basque. Même si Jesús travaillait un meuble classique et épuré, il était particulièrement estimé des clients qui appréciaient son application, son sérieux et son goût des détails.
Après sa retraite, les enfants développèrent l’activité, transformèrent une petite menuiserie en une usine moderne et se mirent à vendre leurs produits dans l’Espagne entière. Treku évoluait, déménageait pour investir un bâtiment de 12 000 mètres carrés dans le quartier d’Olaa, à Zarautz aussi, et le design de son mobilier commençait à exprimer la subtilité qui caractérise aujourd’hui l’ensemble de ses collections.

Le Treku d’aujourd’hui est le fruit de l’expérience d’hier et de la pensée de demain. Les machines modernes occupent la majeure partie de la surface de son usine, mais les doigts et les yeux tiennent encore une part essentielle dans le processus de fabrication du mobilier. Ce sont ces doigts et ces yeux qui sélectionnent les nœuds et madrures dans les placages en chêne ; ceux qui vont donner au meuble le meilleur brun qui caractérise le noyer ; ou ceux qui sont capables d’entrevoir les nuances rosées que le chêne américain révèlera les années suivantes en vieillissant.

PHOTO:

(01) Les deuxième et troisième générations de la famille Aldabaldetreku.
(02) Jesús Aldabaldetreku, le fondateur de Treku, à côté de son épouse Jesusa.

Le Treku d’aujourd’hui est synonyme de technologie, et surtout de métier, un métier du bois inscrit depuis plus de 500 ans dans l’ADN des menuiseries de Zarautz. Le Treku d’aujourd’hui, ce sont les petits-fils de Jesús et l’effectif de salariés composé des menuisiers, designers, commerciaux et responsables. Dans un coin des bureaux de Treku, toujours agrémenté par la présence de la machine à café, repose une table en bois d’un mètre carré à peine. Elle n’a pas de tiroirs ni de modules auxiliaires. Sa surface est rectangulaire, lisse et sobre. L’ancien comptable y exerça pendant des années le travail consciencieux des comptes et bilans de l’entreprise. Cela fait longtemps, très longtemps, qu’elle ne sert plus, mais elle est gardée comme un souvenir nostalgique de ce que l’entreprise fut jadis.

Près d’elle, une carte du monde avec de petits drapeaux épinglés qui indiquent les pays où Treku distribue ses créations. On distingue plus de cinquante épingles, fruit des efforts d’internationalisation déployés ces dernières années. Si on les reliait avec un fil imaginaire, on pourrait faire un tour complet de la planète. Un tour que Jesús Aldabaldetreku, le grand-père menuisier, commença en 1947. Une odyssée dont le cap est choisi par le meuble contemporain et indémodable qui est fabriqué dans ce quartier rural de Zarautz où le jour se lève toujours quelques minutes plus tard.